La vie avec des enfants à besoins particuliers

Par une maman heureuse et comblée


Étant moi-même déjà maman de deux grandes filles d’une précédente union, mon nouveau conjoint et moi avions envie de vivre ensemble les joies de la parentalité. Nous étions loin de nous douter de ce qui nous attendait…

Luca est arrivé à l’hiver 2016. Il avait 18 mois quand on a commencé à s’interroger. Il ne parlait pas. Son regard était fuyant. Son jeu préféré : empiler ses petites autos les unes sur les autres. 


Quand Luca a eu 2 ans, je suis de nouveau tombée enceinte. Le bonheur !


Le 14 février 2018, à 20 semaines de grossesse, échographie : c’est une fille ! La technicienne ayant oublié de transmettre les précieux résultats à mon médecin, j’apprends seulement 2 semaines plus tard que mon bébé a plusieurs malformations dans son petit cœur. Je suis pétrifiée. Je suis dirigée d’urgence à l’hôpital Sainte-Justine où je suis prise en charge immédiatement. On informe mon conjoint et moi que notre bébé devra être opéré avant ses 6 mois de vie et que ces malformations cardiaques sont les plus fréquentes chez les personnes trisomiques. La trisomie est donc fortement suspectée. J’avais fait les prises de sang du 1er et du 2e trimestre qui s’étaient pourtant avérées négatives…

On nous propose plus de tests pour confirmer la trisomie, mais nous refusons. Pour moi et mon conjoint, il n’y a pas de décision à prendre ! En fait, on ne s’est même jamais posé de questions ! Nous l’aimions déjà d’un amour inconditionnel… C’est tout naturel de continuer, peu importe ce que la vie nous réserve. Nous accueillerons cet enfant dans notre vie et l’aimerons, peu importe sa différence.


Les semaines passent. J’ai un suivi très serré considérant que je vis une grossesse à risque. Une atrésie de l’œsophage est également suspectée. Heureusement, cette atrésie n’est pas présente. Je vis malgré tout une belle grossesse. Je suis heureuse. 

Le 25 juin 2018, les premières contractions annoncent le grand jour. Leila arrive dans la nuit du 26 juin, entourée de plusieurs médecins et infirmières. Une infirmière la dépose sur moi quelques secondes, pour aussitôt repartir avec elle, avec mon bébé. Elle est en détresse respiratoire. Ces quelques secondes de peau contre peau m’ont suffi pour savoir que ma fille est trisomique. Était-ce sa peau plus molle ou simplement mon instinct maternel ? Je ne sais pas… Mais je savais. 


Leila a passé ses deux premiers mois de vie à l’hôpital. Nous faisions la route entre Saint-Zotique et Montréal tous les jours. Nous passions nos journées avec elle puis nous la quittions pour la soirée. Comme le cœur de Leila travaillait très fort, elle était plus faible et s’essoufflait au moindre effort, elle était incapable de téter pour se nourrir et elle était donc gavée. Elle avait aussi besoin d’oxygène. Elle devait prendre du poids, mais c’était difficile. Finalement, elle a repris assez de poids et de forces pour venir à la maison, mais, bien sûr accompagnée de tout son équipement !! J’ai dû apprendre à faire fonctionner la machine de gavage et tout l’équipement respiratoire. Elle avait des fils partout, ça faisait partie d’elle ! Quand nous sortions, ce n’était pas juste le sac à couches, c’était aussi son sac pour la bonbonne d’oxygène et tout l’équipement pour le gavage !

Nous étions alors bien occupés ! Deux à trois rendez-vous par semaine à l’hôpital ; cardiologue, pneumologue, ORL, nutritionniste et pédiatre. Le tout, en plus de l’inhalothérapeute qui vient deux fois par semaine à la maison pour s’assurer que tout l’équipement respiratoire fonctionne bien. 


Janvier 2019, Leila a alors 6 mois, elle doit être opérée à cœur ouvert. Une opération qui aura duré près de 7 h. Quelques semaines après son opération, sa saturation devient normale, elle n’a plus besoin d’assistance respiratoire ! Plus tard, elle apprend à manger : on peut aussi éliminer le gavage ! On commence à avoir un semblant de vie normale !


À ce moment, Luca ne parle toujours pas. Étant donné que je l’observe énormément, j’ai de plus en plus de doute sur sa condition. Je soupçonne un TSA. J’ai alors commencé à faire des recherches. Un orthophoniste en clinique privée et une psychoéducatrice du CLSC répondent à mon appel. Quelques mois plus tard, Luca est diagnostiqué avec un trouble sévère du langage et une dyspraxie sévère. Les deux spécialistes s’entendent pour dire que Luca n’est pas autiste, mais j’ai toujours des doutes… Je consulte un pédopsychiatre. Luca reçoit rapidement un nouveau diagnostic en février 2020. Il est autiste. J’avais vu juste…


 Pas besoin de vous dire que les premières années avec nos enfants ont été remplies d’émotions et d’incertitudes ! Aujourd’hui, Luca a 6 ans et Leila a 3 ans. Luca est non verbal. Il va à la maternelle en classe spécialisée de langage. Il est obsédé par ses jeux vidéos, ses blocs LEGO et les zombies ! Il est très créatif. Il fait les plus belles constructions de blocs LEGO ! C’est un garçon très doux et drôle. Leila va à la garderie. Elle mange seulement des purées et boit seulement des liquides épaissis que je lui donne à la cuillère. Elle ne parle pas. C’est une petite fille coquine qui aime se coller. Elle adore les animaux ; en peluche, dans les films et dans les livres. Pour communiquer, on apprend le langage des signes, on utilise des pictogrammes. Bientôt, Luca aura sa tablette parlante, soit une application qui parle pour lui. 


Nous sommes toujours bien occupés ! Nous avons des rendez-vous à chaque semaine pour un ou pour l’autre avec divers spécialistes. Psychoéducatrice, TES, ergothérapeute, physiothérapeute, nutritionniste, orthophoniste, cardiologue, ORL, ne sont que quelques-uns de ces spécialistes qui font partie de notre vie.  


Je suis me sens privilégiée de les avoir dans ma vie, car il manquerait clairement un gros morceau. J’apprends beaucoup de mes enfants, entre autres que ce n’est pas moi qui les guide, mais plutôt eux qui me montrent chacun leur chemin. Moi, je les accompagne ; chacun va à son rythme, et il est primordial de le respecter.


La vie avec des enfants différents est une belle grande aventure ! C’est des montagnes russes d’émotions. C’est de l’incertitude. C’est faire le deuil de plusieurs idées préconçues ou projets d’avenir qu’on avait pour nos enfants et pour nous-mêmes. C’est cumuler les refus et les échecs. C’est l’acceptation des limitations. C’est la résilience. C’est apprendre sur nous-mêmes ; ça te confronte à toi-même, ça te confronte au jugement et à la perception des autres. C’est aussi de la fierté et de l’espérance, c’est beaucoup de patience et de persévérance, c’est travailler en double pour n’obtenir qu’une infime partie de ce qu’un enfant neurotypique accomplirait. Mais comme on a travaillé en double, on est doublement fier du moindre succès ! En effet, ce qui semble banal pour le parent d’un enfant neurotypique, relève souvent de l’extraordinaire pour le parent d’un enfant différent. Ça t’oblige à choisir tes combats. Avoir un enfant différent, ça te permet aussi une ouverture sur le monde et sa différence. Ça te rapproche de l’essentiel. Ça te permet d’apprendre à relativiser ce qui est vraiment important, et ce qui l’est moins.


Bien sûr que l’avenir me fait peur. Je ne m’étais jamais posé ces questions avant : qu’est-ce que l’avenir leur réserve ? Qui s’occupera d’eux quand je ne serai plus là ? Seront-ils respectés ? J’avoue que ces simples pensées m’angoissent…

Même dans un monde où la différence est encore un obstacle, j’ose rêver d’un monde où il reste de la place pour la compréhension et l’inclusion.


La vie avec des enfants différents, c’est beau et, sincèrement, je n’y changerais rien. Parce que c’est beau, la différence ! 

Nancy, fière maman de Lynthia 21 ans, Nadeige 17 ans, Luca 6 ans et Leila 3 ans