Pendant mes études au cégep, j’ai reçu un diagnostic de TDAH, ce qui expliquait mon impulsivité, ma difficulté à gérer mes émotions et mes problèmes de concentration. Ce diagnostic m’a aidée à me comprendre et à réussir mes études. Une fois sur le marché du travail, j’ai « crashé ». On m’a alors diagnostiqué un TAG (trouble anxieux généralisé). J’ai pris des antidépresseurs et j’ai fait une thérapie, puis, quand je me suis sentie mieux, j’ai délaissé ce diagnostic, croyant que c’était réglé.


Quand je suis tombée enceinte de ma fille, j’avais 23 ans et je venais de faire une fausse couche. Heureusement, la grossesse s’est bien déroulée. Ma fille était désirée et attendue. Marlie était belle, calme et douce ; elle a changé ma vie. J’ai dû faire le deuil de l’allaitement en raison de complications, mais, grâce au soutien de mon copain et de mon entourage, je filais le parfait bonheur. 


Quand Marlie a eu 3 mois et que je commençais à prendre confiance en mes capacités de maman, je suis tombée enceinte de mon bébé surprise, et ce, au cœur du processus d’achat de notre première maison. Cette grossesse était différente, car j’étais déjà épuisée de gérer ma cocotte et le déménagement, sans compter la grossesse elle-même. J’ai fait de l’hypertension, puis je me suis fait mettre au repos à partir de 17 semaines, car j’avais des contractions. Mon anxiété a commencé à refaire surface à ce moment. Je la balayais du revers de la main, même si elle se présentait à coup d’insomnie et de crises de panique, en me disant que c’était temporaire, que tout finirait par rentrer dans l’ordre. 


Jusqu’à 35 semaines, on m’annonçait un beau garçon en santé. C’est alors que mon médecin traitant m’a annoncé avoir fait une erreur : il y avait un risque élevé que mon garçon ait une trisomie. Je devais donc passer plus de tests. J’ai senti mon monde s’écrouler. Je passais mes journées à pleurer dans mon lit et à tenter d’être la maman que Marlie méritait d’avoir, en vain. Au bout de trois semaines infernales, on m’a annoncé que mon bébé était en parfaite santé. J’étais soulagée, mais le moral n’est jamais entièrement revenu. 


Dans les semaines suivantes, mon anxiété a pris le dessus. Je faisais alors des allers-retours constants en natalité. Ma mère m’aidait beaucoup avec Marlie, car j’avais de la difficulté à remplir mon rôle de maman. Elix est arrivé en vitesse et à coup de hurlements. Il était un beau coco en forme et en santé, en plus d’être vigoureux ! Il était, et est encore, intense dans tout. Il pleurait énormément et j’avais de la difficulté à jongler entre mes deux amours ayant 12 mois d’écart. Je me sentais comme si je délaissais Marlie, mais que je ne donnais pas assez à Elix. 


Lorsque Elix a eu 5 semaines et que Marlie a eu 13 mois, une situation a fait exploser mon monde. Je ne dormais plus, je pleurais beaucoup, j’avais de la difficulté à être une maman pour ces si petits humains. Je suis tombée tête première dans un gouffre. Pendant un bon mois, je ne fonctionnais plus normalement, puis ensuite, j’ai appris à survivre. 


Lorsque la pandémie est arrivée, j’étais plutôt enfoncée dans la dépression : je me couchais en ne voulant pas me lever et faire face à une nouvelle journée, j’ai mis fin à des amitiés de longue date, je m’isolais et je voulais être qu’avec mes enfants, malgré ma difficulté à être présente. Quand le monde est tombé en confinement, Elix avait 8 mois et Marlie, 22 mois. J’ai perdu mon réseau de soutien qui m’aidait à avancer. J’ai continué à pousser, je me plongeais dans le travail. Je jonglais entre le travail, la maison et les enfants, et, surtout, j’allais mal. 


Je dormais très peu, je « callais malade » souvent en raison de l’insomnie causée par mon anxiété. Je passais mon temps à m’en vouloir de ne pas être une mère à la hauteur de mes enfants, j’avais de la difficulté à rester avec eux à la maison et je culpabilisais. Lorsque mes enfants avaient 22 mois et presque 3 ans, je continuais à ignorer mes symptômes, je ne voulais pas m’avouer ce qui était clair : j’étais en dépression depuis la grossesse d’Elix. C’est en discutant avec mon amie au téléphone après être allée porter mes enfants à la garderie que je lui ai dit : « bon, je suis seule en auto, un bon accident mortel ne ferait pas de tort. » Elle m’a alors fait remarquer que j’avais des idées suicidaires, pour la première fois de ma vie, et que je ne voulais plus vivre, et ce, depuis plusieurs mois. 


J’ai pris rendez-vous avec mon médecin le jour même et, lorsque je lui ai expliqué ce qui se passait, il m’a demandé : « qu’est-ce qui te garde en vie ? » J’ai répondu sans réfléchir : « mes enfants. » J’ai commencé à prendre du Cipralex, un antidépresseur, en mars 2020, environ deux ans après le début de mes symptômes. J’ai perdu 2 ans à tenter de combattre cette bête noire, celle qui siphonnait mon énergie et mon désir de vivre. Depuis, rien n’est parfait. Je continue à prendre mes « happy pills », car ma santé mentale n’est pas une ligne droite, mais un océan où il y a des moments calmes tout comme des tempêtes, mais les tempêtes sont maintenant toujours passagères et moins fréquentes. 


Je suis heureuse, et je peux dire que je profite des bons comme des mauvais moments. Être maman de mes petits monstres est la chose la plus difficile que j’ai faite, mais réussir à profiter de leur présence, à les voir grandir et à s’épanouir, est le plus beau cadeau que je me suis fait. 


J’ai donné la vie à mes enfants, mais eux ont sauvé la mienne. 


Si, avec mon témoignage, je peux aider une maman qui est dans cette situation, je serai comblée. Je souhaite également lui dire qu’on peut s’en sortir, qu’il n’y a aucune honte à prendre des médicaments pour son bien-être, et que le faire ne fait pas de nous de moins bonnes mamans pour autant.